Requête du Député Philippe LATOMBE introduite hier auprès du Tribunal de l'Union européenne afin d'obtenir l'annulation du Data Privacy Framework. Requête du Député Philippe LATOMBE introduite hier  auprès du Tribunal de l'Union européenne afin d'obtenir l'annulation du Data Privacy Framework.
Paris
S'identifier
Changer de territoire
 Menu
Fil ActualitésArticlesVidéosConcept SmartrezoCircuit-Court / AnnuaireActeurs Locaux
| Philippe Latombe | Alerte | Data Privacy Framework  Vu 265848 fois
Article N°27746

Requête du Député Philippe LATOMBE introduite hier auprès du Tribunal de l'Union européenne afin d'obtenir l'annulation du Data Privacy Framework.

Ci-dessous copie de ma requête introduite auprès du Tribunal de l'Union européenne afin d'obtenir l'annulation du Data Privacy Framework.



L’article 263, 4ème alinéa, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) disposant que : « Toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours (…) contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d'exécution », j’ai introduit hier une requête auprès du Tribunal de l’Union européenne, afin d’obtenir l’annulation de la Data Privacy Framework (DPF), Décision d’adéquation sur le cadre de protection des données UE-Etats-Unis du 10 juillet 2023, prise par la Commission en application du Règlement 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 « relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données » (le RGPD)

Considérant que cette nouvelle décision d’adéquation porte atteinte à mes droits et qu’elle n’est conforme ni au RGPD, ni à la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union, j’ai demandé au Tribunal d’en prononcer l’annulation.

J’interviens ici, il est important de le préciser, à titre personnel, en tant que simple citoyen de l’Union, et non comme député français, commissaire aux Lois et commissaire à la CNIL.

La conclusion d’un accord d’adéquation sur le transfert des données personnelles des Européens vers les États-Unis constitue depuis des années un interminable feuilleton, ponctué par les recours déposés et défendus avec succès par l’avocat autrichien Max Schrems. Son
association, None Of Your Business (NOYB), souligne d’ailleurs que le récent cadre de protection est une copie du Privacy Shield, dont la décision d’adéquation a été invalidée en 2020, ce dernier étant lui-même la copie du Safe Harbor, lui-même invalidé en octobre 2015
par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE). Un nouveau recours ayant pour objet de saisir la CJUE est d’ailleurs d’ores et déjà annoncé.

On s’achemine donc à terme vers une nouvelle procédure devant la CJUE et de nouveaux atermoiements, inévitablement chronophages, dont l’issue, même si prévisible, fait perdurer un vide juridique laissant libre cours aux acteurs américains dominants pour pérenniser leur suprématie, au détriment de leurs homologues européens, de tous les citoyens européens et de la souveraineté européenne. « Time is money », a-t-on coutume de dire outre-Atlantique, « Time is data, pourrait-on dire de nos jours, and data is money ».

La mise en application d’un système protecteur des données personnelles des Européens est donc au point mort, et ce au détriment de leurs droits, mais aussi de la souveraineté et de l’économie européennes.

L’absence de débat et de vote de la DPF au Parlement européen ou dans les parlements nationaux, l’avis favorable de la quasi-totalité des pays membres, (décidé en France dans une discrétion totale), n’ont laissé aucune place à l’expression d’une éventuelle contestation.

N’ayant pas eu l’opportunité d’un débat éclairé dans le cadre de mon mandat politique et inquiet des conséquences induites par un tel texte, j’ai choisi une voie procédurale encore inutilisée, mais offerte aux citoyens européens depuis le Traité de Lisbonne. Elle présente, si elle aboutit, l’avantage considérable de la rapidité. Or, il y a urgence : plus vite, l’accord actuel sera suspendu, voire annulé, plus vite, il sera possible de travailler à la finalisation d’un texte satisfaisant, équilibré, ce qui n’est absolument pas le cas en l’état.

D’un point de vue purement formel, la DPF du 10 juillet 2023 viole le règlement n°1 portant fixation du régime linguistique de l’Union. En effet, alors que ce texte est entré en vigueur dès cette date, aucune version autre que celle en langue anglaise ne semble avoir été rédigée et n’est à ce jour disponible. L’article 4 dudit règlement dispose pourtant que « les règlements et autres textes de portée générale sont rédigés dans les langues officielles », et le 3 que « les textes adressés par les institutions à un État membre (…) sont rédigés dans la langue de cet État ». Cet oubli, fâcheux, a toutes les caractéristiques d’un acte manqué qui à lui seul vaudrait toute une analyse.

Sur le fond, si les négociations étaient objectivement rendues difficiles en raison de conceptions fondamentalement différentes en matière de droit, et plus particulièrement de protection des données personnelles, l’arbitrage s’est opéré quasi systématiquement en faveur d’un tropisme américano-centré. Il ne pouvait en naître qu’un dispositif profondément déséquilibré, construit au détriment du droit européen, pourtant plus protecteur en matière de données personnelles, et in fine des citoyens de l’Union.

Le texte issu de ces négociations viole la Charte des droits fondamentaux de l’Union, en raison de l’insuffisance de garanties du respect de la vie privée et familiale au regard des collectes en vrac de données personnelles, et le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), en raison de l’absence de garanties d’un droit à un recours effectif et d’un accès à un tribunal impartial, de l’absence d’encadrement des décisions automatisées ou de manques de garanties relatives à la sécurité des données traitées : autant de violations de notre droit européen que je développe dans le mémoire de 33 pages (+ 283 pages d’annexes) déposé hier auprès du TUE.

Il est regrettable que la Commission ait fait fi des réserves du Parlement européen, qui soulignait notamment dans sa résolution « qu’une évaluation complète de la mise en œuvre [de principes en matière de protection des données tels que les principes de nécessité et de proportionnalité] dans l’ordre juridique américain pourrait être impossible en raison d’un manque de transparence dans les procédures de la Cour d’examen de la protection des données (Data Protection Review Court, DPRC) ».

Au-delà de la juste contestation d’un accord clairement élaboré au détriment de l’Europe et de ses citoyens, j’espère que cette requête auprès du TUE, qui est une première, sera validée, fera jurisprudence et permettra de rééquilibrer les pouvoirs au sein de l’Union, en donnant à chaque citoyen européen soucieux de défendre ses droits la possibilité de contester les décisions qui lui portent préjudice.

Je remercie les juristes, les avocats, les experts qui, en consortium, m’ont accompagné dans cette démarche, certains officiellement, d’autres en catimini. Toutes et tous se reconnaîtront ! La Commission européenne ayant publié la DPF en pleine trêve estivale, ils ont accepté de sacrifier une partie de leurs vacances pour collaborer à ce travail et je leur en suis d’autant plus reconnaissant.

 
Philippe Latombe
 

Philippe LATOMBE

Lien :https://philippe-latombe.smartrezo.com/index.html

  • 0
    • j'aime
    • Qui aime ça ? »
  • 0
    • je n'aime pas
    • Qui n'aime pas ça ? »
  •  
 

Réagissez, commentez !

  • Dignilog :08/09/2023 22:55:55 Monsieur le député,
    j'observe du petit bout de ma lorgnette, et pour la première fois, que l'homme politique que vous êtes, citoyen, investi dans la vie de la cité, accomplit une fois encore son devoir et va au delà de ce que l'on peut raisonnablement en attendre. Vous rendez ses lettres de noblesse à la politique, en reprenant la main, en anticipant, dans un profond respect de vos valeurs et de celles du citoyen européen.
    Même si cela peut paraître plus anecdotique, je tiens à dire ici que je serai heureux et fier d'évoquer et de revendiquer à l'avenir, nonobstant ce que notre continent doit à Max Schrems, l'arrêté "Latombe I", qui sera dûment mérité si cela advient.
    Le citoyen que je suis est fier de vous, au delà des polémiques en cours et malgré une position qui diverge sur d'autres sujets dont je devine que vous n'en ignorez pas la teneur.
    Bref, une fois encore, vous êtes de ces pâtes qui me font croire encore que les hommes de ce monde, par leur opiniâtreté et leur honnêteté intellectuelle apportent espoir et confiance dans la vie politique d'aujourd'hui.
    Résumons : merci ! Soyez fier de vous : pour vous-mêmes, pour notre peuple d'Europe, pour vos administrés, pour vos proches, et pour vos très proches.
    Au plaisir de vous croiser un beau jour et vous demander un autographe agrémenté d'un selfie ! ;)
    Pascal Vautrin.
  • JJUG :08/09/2023 17:12:54 BRAVO Mr le Député.
    Nous voyons là votre vigilance et votre engagement à faire respecter, autant que faire se peut, nos données personnelles, normalement protégées (si j'ai bien compris, je ne suis pas juriste) par le RGPD (que je crois bafoué sinon dans la lettre, au moins dans l'esprit).
    La récente décision de la Commission Européenne (sa Présidente ???) m'indispose au plus haut point.
    J'ai bien noté que vous déposiez un recours en tant que simple citoyen et non "autorisé" par votre statut de Député, représentant du peuple français.

    Je comprends donc que je pourrais aussi, comme simple citoyen européen, en faire de même.
    Je n'ai aucune idée de la procédure ni des coûts éventuels d'un tel dépôt de plainte.
    Pensez-vous qu'il serait possible de rédiger un petit "mode d'emploi" à disposition sur le site Smartrezo pour ceux qui seraient prêts à suivre votre exemple ?
rechercher un article, une vidéo...
Rechercher un TERRITOIRE ou un BLOG