Indépendance : séparation des patrimoines


Indépendance : séparation des patrimoines

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Article N°24276

Indépendance : séparation des patrimoines

L’incohérence et les dangers du système « bricolé » en 1999 étaient évidents. Le législateur de 2006 l’a reconstruit sur des bases radicalement différentes. Le nouveau « régime légal » des partenaires ne s’applique cependant qu’aux Pacs conclus après l’entrée en vigueur de la loi, i.e. après le 1er janvier 2007. Les anciens Pacs restent soumis au régime mis en place par la loi de 1999, à moins que les partenaires n’optent par convention pour les dispositions nouvelles 1107 (L. 23 juin 2006, art. 47-V, 2o). Il convient donc de présenter les règles anciennes  avant d’analyser le nouveau système 

A. PRÉSOMPTION D’INDIVISION (1999)

Non-sens et contresens de l’indivision. – L’ersatz de communauté légale mis en place par le législateur à l’article 515-5 ancien constituait un des éléments les plus problématiques, et à moyen terme, les plus explosifs du Pacs « première manière ». De fait, le texte mettait en place un système d’indivision volontaire ou présumée totalement incohérent, ne fût ce que parce que si le régime de l’indivision pouvait être utile pour donner, faute de mieux, un statut juridique à un bien ou à un ensemble de biens existants ou en cours d’acquisition, il ne paraissait guère adapté pour servir de substitut à la masse commune ou à la société d’acquêts des régimes matrimoniaux : comme l’avait écrit un auteur, « c’est se tromper sur la nature de l’indivision que de la croire apte à saisir dans la durée la totalité du patrimoine de ceux qu’elle réunit ». En rigidifiant les textes par ses réserves d’interprétation, le Conseil constitutionnel n’avait fait qu’aggraver les choses.

1) Composition de l’indivision

L’ancien article 515-5 contenait deux séries de « présomptions » qui constituaient en réalité de véritables règles de fond : la loi distinguait, d’une part, les meubles meublants, d’autre part, les « autres » biens.

a) Meubles meublants acquis à titre onéreux

Meubles meublants acquis à titre onéreux. – Selon l’ancien article 515-5, alinéa 1, « Les partenaires d’un pacte civil de solidarité indiquent, dans la convention [...] s’ils entendent soumettre au régime de l’indivision les meubles meublants dont ils feraient l’acquisition à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte. À défaut, ces meubles sont présumés indivis par moitié. Il en est de même lorsque la date d’acquisition de ces biens ne peut être établie. » Le texte distinguait deux hypothèses.

Si, dans leur convention, les partenaires avaient indiqué le sort des meubles meublants acquis à titre onéreux après la conclusion du Pacs (soit qu’ils optaient pour l’indivision, soit qu’ils l’écartaient, soit qu’ils l’aménageaient), on appliquait les dispositions du Pacs.

Si le Pacs ne prévoyait rien, les biens étaient présumés indivis par moitié ; selon le Conseil constitutionnel, il s’agissait d’une présomption irréfragable. La règle pouvait se comprendre compte tenu de la nature des biens concernés : il s’agissait de biens mis au service de la vie du couple et dont chacun des partenaires avait tiré profit ; au demeurant, la confusion des patrimoines était, en la matière, totale.

Mais le premier alinéa de l’ancien article 515-5 précisait, in fine, que la présomption jouait également lorsque la date d’acquisition de tels biens ne pouvait être établie. La présomption emportait donc sur son passage les meubles meublants acquis à titre onéreux avant le Pacs, si l’on ne pouvait prouver la date d’acquisition. Et la règle était si générale, qu’elle risquait également de toucher les meubles meublants acquis à titre gratuit pendant ou avant la conclusion du Pacs, si l’on ne parvenait pas à établir que le bien avait été acquis à ce titre. Les partenaires prudents avaient intérêt à conserver les factures et à s’entourer d’inventaires.

b) Autres biens

 Autres biens. – On entendait par là les biens autres que les meubles meublants acquis à titre onéreux pendant le Pacs, i.e. les immeubles et les autres meubles, corporels ou incorporels, acquis à titre onéreux pendant le Pacs. Selon l’ancien article 515-5, alinéa 2 : « Les autres biens dont les partenaires deviennent propriétaires à titre onéreux postérieurement à la conclusion du pacte sont présumés indivis par moitié si l’acte d’acquisition ou de souscription n’en dispose autrement ». La règle suscitait de nombreuses interrogations.

 Exclusion ab initio de la présomption d’indivision ? – Tout d’abord, le jeu de la présomption pouvait-il être écarté dans la convention initiale, sur le modèle de l’article 515-5, alinéa 1 ? Dans sa décision du 9 novembre 1999, le Conseil constitutionnel semblait répondre par la négative : selon lui, la présomption « ne peut céder que devant la production d’un acte d’acquisition ou de souscription qui en dispose autrement ». L’affirmation ne laissait pas de surprendre car on ne comprenait pas pourquoi ce qui était possible pour les meubles meublants ne l’était pas pour les autres biens. Outre que l’on pouvait s’interroger sur l’utilité de soumettre ainsi les partenaires à un système d’indivision généralisée, plus communautaire encore, sous bien des aspects, que le régime légal de communauté, c’était forcer les concubins à multiplier là encore inventaires et stipulations particulières dans les actes d’acquisition et de souscription. Loin des rêves de souplesse et de liberté, le Pacs se révélait ainsi plus « communautaire » et plus contraignant que le mariage.

 Exclusion au cours du Pacs de la présomption d’indivision. – Faute de l’avoir évincé ab initio, comment écarter la présomption d’indivision de l’ancien article 515-5, alinéa 2 ? Selon le texte, la présomption jouait à moins que l’acte d’acquisition ou de souscription n’en disposât autrement. S’agissait-il du seul moyen d’échapper à l’attraction communautaire du Pacs « première manière », ou aurait-on pu renverser la présomption en prouvant a posteriori le caractère personnel du bien ? Si l’on en croyait le Conseil constitutionnel, la présomption ne pouvait être évincée que par les stipulations de l’acte d’acquisition ou de souscription. La prétendue règle de preuve inscrite à l’article 515-5 se métamorphosait en véritable règle de fond.

 Plus communautaire que la communauté ! – Les règles ainsi mises en place paraissaient d’autant plus malvenues que, pour un certain nombre de biens, n’existait pas d’acte d’acquisition ou de souscription : tel était le cas de la plupart des meubles, fûssent-ils d’une certaine valeur. S’il a existé, l’acte pouvait également avoir été perdu ou détruit : la preuve du caractère personnel du bien est-elle juridiquement irrecevable, alors même que d’autres éléments, d’autres écrits, en établissent la certitude ? De plus, il est des biens pour lesquels il ne peut exister d’acte d’acquisition ou de souscription : que l’on songe par exemple aux clientèles civiles et commerciales créées pendant l’union ou aux droits de propriété intellectuelle. Sans parler des modes d’acquisition tels que l’accession, la subrogation ou la prescription.

Que si les revenus des partenaires échappaient assurément à l’indivision à la source, les biens acquis avec les revenus et peut-être même les économies réalisées sur les revenus étaient happés par la présomption (ou aurait-il fallu distinguer les sommes laissées sur un compte courant ou un compte d’épargne d’une part, les différents produits d’épargne acquis par les partenaires, d’autre part) ?

De même, les biens acquis à titre gratuit ou onéreux avant la conclusion du Pacs et les biens acquis à titre gratuit pendant le Pacs restaient hors indivision. Mais sur qui pesait la charge de la preuve ? A priori, il appartenait à celui qui invoquait la présomption de prouver que tel ou tel bien était touché par l’article 515-5 ; et cette preuve pouvait se faire par tous moyens. Mais ne pouvait-on craindre que faute d’inventaires ou autres preuves écrites, ils ne fussent de facto, entraînés dans le sillage de la présomption ?

Restait à savoir si le concubin qui avait financé l’acquisition du bien pouvait obtenir le remboursement au moins partiel des deniers qui avaient enrichi l’indivision, et, lors de la liquidation, son partenaire. En régime de communauté, le mécanisme des récompenses et des créances entre époux tendait à rétablir un certain équilibre : pour les époux séparés de biens, la relative facilité avec laquelle ils pouvaient écarter la présomption d’indivision permettait également d’éviter que l’un d’eux ne s’enrichisse au détriment de l’autre ; et, au besoin, pouvait être invoquée l’existence d’une donation ou d’un prêt. Rien de tel pour le Pacs : la situation des partenaires pacsés entre 1999 et 2007 est donc plus qu’incertaine.

Les inconvénients des choix faits en 1999 apparaissent également lorsque l’on étudie le fonctionnement de l’indivision.

2) Fonctionnement de l’indivision

 Unanimité, paralysie, blocages. – En matière d’indivision, règne l’unanimité des co-indivisaires : « les actes d’administration et de disposition relatifs aux biens indivis requièrent le consentement de tous les indivisaires » (art. 815-5). Celui qui entend agir seul doit donc faire la preuve du consentement des co-indivisaires. Certes, mandat peut être donné à un co-indivisaire pour gérer l’indivision ou accomplir tel ou tel acte (art. 815-3, al. 1). Il faudra faire la preuve de l’existence du mandat. Le seul tempérament à cette exigence de prouver le pouvoir d’agir réside dans l’article 815-3, alinéa 2 : « si un co-indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d’administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux » ; mais il s’agit, avant tout, de protéger les tiers qui se sont fiés aux apparences. Quoi qu’il en soit, le système est infiniment plus lourd que pour des époux : en régime de communauté joue en effet le principe de gestion concurrente et, en tous régimes, les présomptions de pouvoir édictées au titre du régime primaire (art. 221 et 223), facilitent l’action de chacun des conjoints.

Malheur à ceux qui avaient cru choisir la liberté en jouant le Pacs contre le mariage ! Les présomptions d’indivision limitent le champ de la gestion autonome ; face à des tiers minutieux, ils devront sans cesse faire la preuve de leur pouvoir, et, par conséquent, de leur propriété.

 Inconvénients du Pacs ancien. – À l’expérience, le système adopté par le législateur de 1999 apparaissait donc absurde, incohérent, dangereux et ingérable. Absurde, car alors que le Pacs semblait appeler un régime de liberté, les partenaires étaient enfermés dans le carcan d’une indivision quasi généralisée, lourde à administrer et complexe à écarter. Incohérente, car le sort de certains biens (notamment les biens créés) paraissait au mieux incertain, au pire contraire aux prévisions raisonnables des parties. Dangereux pour les partenaires comme pour les tiers ; pour les partenaires, car les présomptions d’indivision risquaient d’être sources de graves injustices ; pour les tiers, car ils risquaient d’être trompés sur les droits et les pouvoirs de leurs cocontractants ; sans parler des risques de fraude. Ingérable, car les règles de l’indivision sont lourdes, et, mal adaptées à une masse de biens en devenir.

Le changement opéré par la loi de 2006 est radical.


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